Mianatra - Le maître et le disciple

La transmission du savoir

La langue d'acculturation

L'acculturation du premier contingent d'étudiants, peu familiarisés avec la langue française, ne fut pas aisée au début et ne put être que progressive.

Un seul enseignant fut à même de faire des cours magistraux en langue malgache, c'était le docteur Joseph Rasamimanana. Arrivé en France en 1891, il avait soutenu sa thèse devant la Faculté de Médecine de Lyon, en tant qu'élève du Service de Santé Militaire de cette même ville.

Il était parfaitement bilingue : français et malgache et il fut chargé des cours d'ostéologie.

Pendant cette première année, ses collègues français se contentèrent de faire des démonstrations de travaux pratiques. Cela ne dura qu'une année, parce que à partir de Janvier 1898, la connaissance de la langue française devint obligatoire. Tous les cours furent professés en français.

Des efforts considérables et méritoires furent faits par les élèves et les professeurs. Des interprètres assistaient aux cours et traduisaient les passages difficiles. Les élèves allaient, aprés les cours à l'Ecole de Médecine, suivre des cours de français dans différentes écoles de la ville d'Antananarivo.

Un militaire,affecté à l'encadrement de l'Ecole, fut chargé aussi d'enseigner le français.

Les progrés des élèves furent étonnants et récompensèrent les attentions du corps professoral.

La page suivante, prise dans un cahier de cours de l'élève Justin Rajaobelina,en janvier 1901, témoigne de la transcription, sans faute d'orthographe, de noms anatomiques de la région buccale.

Extrait du cahier de cours de Justin Rajaobelina : noms anatomiques de la région buccale

Ces difficutés de communication étant aplanies,le Médecin de 1ère classe Jourdran eut tout le temps de transmettre un savoir adapté aux besoins des peuples de la grande Ile, car il y vécut du mois d'août 1896 au mois de mai 1908, en trois séjours successifs,entrecoupés de congés brefs en France.

L'enseignement des sciences fondamentales

Il donna des notions de physique et de chimie médicales, illustrées par des démonstrations pratiques, aux étudiants de 1ère année.

Ces cours avaient une vocation d'approfondissement de la culture générale, ainsi qu'en témoignent les premières lignes écrites par Justin Rajaobelina, en janvier 1900, qui font allusion à Thales de Milet et à sa première découverte des phénomènes d'électricité....

En 1904, il fit quelques conférences facultatives de Sciences Naturelles aux candidats au concours d'entrée à l'Ecole de Médecine. Car l'accés à l'Ecole de Médecine était soumis à une sélection par concours, qui comprenait des épreuves de physique, de chimie, de sciences naturelles, précédées d'une épreuve éliminatoire de dictée française...

Au cours de ce cycle de conférences facultatives, un de ses confrères, le docteur Andriajafy, donnait des cours de langue française.

Aux étudiants déjà admis en 1ère et 2ème années, le Médecin de 1ère classe Jourdran, enseigna la physiologie. Puis il enseigna l'hygiene aux étudiants de 4ème année, en insistant plus particulièrement sur les vaccinations.

Aux étudiants de 5ème et dernière année, il fit des cours de médecine légale, traitant des devoirs professionnels et de l'administration des services médicaux indigènes.

L'enseignement des sciences cliniques : les cours magistraux

Ses cours magistraux eurent pour sujets: l'obstétrique et la pathologie chirurgicale.

Ce sont les étudiants en médecine de 4ème et de 5ème années qui bénéficièrent de ces cours. Mais son auditoire comprenait aussi les élèves sages-femmes, lorsqu'il traita de l'accouchement normal, car chaque promotion de médecins était accompagnée d'une promotion de sages-femmes dont le cycle d'études avait duré trois ans.

La pathologie chirurgicale destinée aux médecins comportait uniquement les affections observées à Madagascar.

Il avait donc paru indispensable au corps professoral d'illustrer toutes ces notions théoriques par des observations concrètes, auprés des malades hospitalisés ou des consultants des dispensaires.

L'apprentissage pratique

L'hopital fut organisé, dés la création de l'école et des concours d'externat et d'internat furent ouverts et renouvelés chaque fois que des places étaient vacantes.

L'internat était ouvert aux étudiants ayant au moins trois années d'études. Les internes assuraient la garde à l'hopital, dans les services de chirurgie, de médecine, au dispensaire et même à la dépense.

Ils avaient ainsi,au terme de leurs études, une connaissance globale de la fonction et de la gestion d'un hopital et d'un dispensaire.

Au concours d'avril 1901, l'étudiant Justin RAJAOBELINA fut reçu à la première place. Ce succés lui valut d'être retenu pour une tournée d'assistance médicale dans le nord de l'ILe, avec d'autres lauréats.

En novembre 1901,le médecin de 1ère classe JOURDRAN dirigea une tournée d'assistance médicale et de découverte avec les quatre meilleurs étudiants de 1ère, 2ème et 4ème années ,suivant un itinéraire passant par ANALALAVA, AMBATO et MAJUNGA (l'actuelle MAHAJANGA).

Ce fut une grande première, remarquable par sa portée. Le jeune maître conduisait ses disciples au contact des malades, auprés d'une pathologie tropicale méconnue, dans des contrées éloignées de toute assistance médicale.

L'intérêt et l'importance de la vie itinérante du médecin tropicaliste étaient démontrés.

Tous ces jeunes médecins, à la fin de leurs études, furent volontaires pour cette vie de médecin itinérant...

La carrière du docteur RAJAOBELINA en fut la preuve.

Un idéal commun unissait professeurs, étudiants en médecine et élèves sages-femmes. Cette photographie prise en 1902 pourrait illustrer cette idée : les sages-femmes sont assises au premier rang, derrière elles se tiennent les étudiants en médecine, entourant deux de leurs professeurs, le médecin de 1ère classe JOURDRAN, coiffé d'un képi et le médecin lieutenant RASAMIMANANA, tête nue...

Photo d'un groupe de sages-femmes et d'étudiants en médecine en 1902, entourant le médecin de 1ère classe JOURDRAN et le médecin lieutenant RASAMIMANANA

Le buste de Justin RAJAOBELINA a été agrandi en médaillon.

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