Mianatra - Le maître et le disciple

Le choix de carrière

Le jeune médecin reçu aux examens de fin d'études avait toute liberté pour ouvrir un dispensaire, voire un petit hopital et exercer la médecine libérale.

Mais c'était une démarche qui impliquait d'être "dans ses murs", de bénéficier d'un investissement financier, si minime soit-il, et d'y rester toute sa vie pour rentabiliser l'investissement.

Or la maladie était partout et il fallait couvrir de soins médicaux une superficie de 588 000 km 2.

Le jeune médecin avait donc la deuxième solution d'entrer dans un corps de fonctionnaires rémunérés par le gouvernement de la colonie et envoyés dans n'importe quelle localité de l'Ile nécessitant la présence de médecins.

Cette deuxième solution avait été offerte par la création du corps de médecins de colonisation, par l'arrêté du 15 octobre 1900.

Promotion 1902 de l'école de médecine de Madagascar
Edmond Jourdran au milieu des nouveaux médecins de colonisation

LE MEDECIN DE COLONISATION

Le 25 avril 1904 s'ouvrait un concours pour le recrutement de médecin de colonisation, à l'issue duquel,Justin RAJAOBELINA était classé 1er sur les 14 candidats reçus.

Cette place de lauréat était l'affirmation de sa vocation médicale.

Il en acceptait les devoirs. Soumis à l'autorité administrative, il mena une vie itinérante de 1904 à 1936.

LA VIE ITINERANTE

Il exerça à ANDEVORANTO, sur la Côte Est de Madagascar, de 1904 à 1906, sur les Hauts Plateaux à ANOSY, puis à MAHITSY de 1907 à 1911. Puis il repartit de nouveau vers la Côte Nord Est de 1911 à 1915, sur l'ile de Sainte Marie et à SOANIERANA-IVONGO.

Cette photographie, prise en 1913 à SOANIERANA-IVONGO, illustrait bien l'adaptation de l'habitat traditionnel, en lattes de bois et sur pilotis, aux locaux médicaux.

Justin Rajaobelina à SOANIERANA-IVONGO en 1913
Justin Rajaobelina à SOANIERANA-IVONGO en 1913

Durant cette première décennie, il pratiqua la médecine curative, en assistance gratuite, auprés des populations rurales, des élèves des écoles et des fonctionnaires.

Il participa aux campagnes de médecine préventive et, en particulier, de vaccination antivariolique. Et, enfin, il s'associa au programme d'éducation sanitaire et d'hygiène dans les collectivités rurales.

Cette pratique fut celle de tous les jeunes médecins dans la perspective de l'oeuvre médicale coloniale de la France.

Les Médecins militaires du corps de Santé des troupes coloniales créé en 1905 étaient leurs modèles. Et les ainés des médecins de colonisation servirent de modèles à leurs cadets.

C'est ainsi que Justin RAJAOBELINA revint à l'Ecole de Medecine d'ANKADINANDRIANA et y exerça de 1915 à 1928 : il s'occupa de la formation pratique et clinique des étudiants des deux dernières années, animant ses exposés d'une expérience acquise sur le terrain.

Il se chargea ,par ailleurs, du pavillon des urgences médicales. Cette période connut les grandes épidémies de grippe de 1918, puis de peste pulmonaire de 1921.

Les travaux de recherche concernant le vaccin antipesteux commencèrent à l'Institut Pasteur d'Antananarivo, pour aboutir, en 1934 avec GIRARD et ROBIC, brillants cadets de leur ainé Edmond JOURDRAN.

Les médecins de colonisation assumaient, ainsi, les devoirs de leur fonction, mais ils bénéficiaient,en retour, de droits et de prérogatives inhérents à leur nouvelle situation sociale.

Dés l'issue de concours, ils recevaient gratuitement du matériel médical pour le travail quotidien, sous la forme d'une trousse personnelle contenant des instruments d'obstétrique, de petite chirugie et quelques flacons de médicaments utiles en urgence.

Leur transport et celui de leur famille, pour se rendre dans leurs affectations, étaient entièrement pris en charge par l'Etat.

Ils dirigeaient une petite formation médicale, entourés de sages-femmes et d'infirmiers; responsabilité qui leur conférait un rang hiérarchique, juste aprés les sous-gouverneurs, dans la société coloniale de l'époque.

De ce fait ils portaient un uniforme avec des insignes de grade. Les médecins de colonisation franchissaient des échelons de plus en plus élevés, au cours desquels ils occupaient des postes de plus en plus importants.

Justin RAJAOBELINA fut nommé médecin des urgences à l'hopital du grand port de Tamatave (actuelle Toamasina ) de 1928 à 1930.

Hôpital de Tamatave
Hôpital de Tamatave

De 1913 à 1929,l'habitat hospitalier a fait de grands progrés, en s'adaptant aux conditions climatiques, avec de grandes fenêtres, des vérandas entourant tout le bâtiment et protégées de l'ensoleillement par des auvents et des claustras.

Justin RAJAOBELINA revint à Antananarivo en 1930 pour être medecin traitant au nouvel hopital de BEFELATANANA, inauguré en 1928.

Cet hopital d'enseignement de la capitale remplaçait l'hôpital d'ANKADINANDRIANA.

Il s'occupa donc de l'enseignement des jeunes étudiants. Trente ans aprés,disciple fidèle, il transmettait le message, comme il l'avait reçu de son maître Edmond JOURDRAN...

Ses nombreux services furent récompensés : il était officier des palmes académiques, il fut promu dans l'ordre de la Légion d'Honneur en juillet 1932.

En 1936, il prit une retraite,sur sa demande,pour se consacrer à la medecine libérale à Antananarivo.

A la même date son maître Edmond JOURDRAN jouissait d'une retraite bien méritée à Hanoï. Repos mérité dans un pays qu'il aimait, aprés avoir mené une vie itinérante, lui aussi, avec cette différence que ses voyages se mesurèrent à l'échelle mondiale et non plus à l'échelle de la Grande Ile de Madagascar.

Il servit au Maroc,en France, pendant la Grande Guerre, au Libéria, au Sénégal et en Indochine.


Il est permis d'ouvrir un atlas géographique et de rêver sur les récits de ces vies; mais il nous est imposé aussi, un devoir de mémoire et de reconnaissance.

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